Thermidor 1794, le 9, Robespierre est renversé. Il gravit le lendemain les marches de l’échafaud, soutenu par ses complices. Si la terreur se termine officiellement en tant que moyen politique, les terroristes agissent encore. Un retour au pouvoir des jacobins est loin d’être exclu, ils sont encore nombreux dans les sections des sans-culottes des Faubourgs à porter le bonnet rouge. Si la chute de Robespierre sonne le glas des espérances révolutionnaires, elle marque aussi le réveil des royalistes parisiens.
A la jeunesse jacobine, vêtue "à la sauvage", volontairement sale et volontiers ordurière ("une propreté affectée devient ridicule", écrit le conventionnel Charlier, c’est ce que les sans-culottes ont appelé ingénieusement la propreté "muscadine") s’oppose la jeunesse royaliste, élégante à l’excès, raffinée, affectant de parler un langage des plus châtiés sans toutefois prononcer la lettre "R", par haine de la révolution. Outrancièrement parfumés de musc, ils vont être surnommés "les Muscadins".
L’excentricité des Muscadins, plus qu’une simple mode, révèle leur attitude contre-révolutionnaire. Portent-ils des vestes étriquées de couleur verte ? C’est que le vert est la couleur du Comte d’Artois. Leurs cols et parements sont-ils noirs ? C’est pour rappeler la mort du Roi.
S’ils arborent, inévitablement dix sept boutons de nacre c’est bien évidemment en l’honneur de l’orphelin de la prison du Temple, Louis XVII. Leurs long cheveux tressés en cadenettes pendants des deux côtés de leurs joues sont bien utiles pour amortir les coups de gourdin, de sabre ou de hachoir que l’on prend parfois dans les bagarres contre les sans-culottes. Quant à l’énorme cocarde tricolore qu’ils fixent à leur chapeau, elle peut en un instant, grâce à un subtil mécanisme, se métamorphoser en une resplendissante cocarde blanche.
Ils sont près de 3000 à Paris, recrutés principalement parmi les étudiants, les garçons de courses et les employés de commerce. Dans leur quartier général du Palais Royal, ils paradent, lisent et commentent les gazettes royalistes, se réunissent au café de Chartres, leur état-major, ou à celui de la Foi, l’ancien café des chevaliers de St Louis, d’où ils partent par bandes écumer le pavé parisien. Malheur au sans-culotte avéré, au terroriste non repenti qui les croise, plus d’un de ces "culs-crottés" goûtera du "rosse coquin", le gourdin ferré des Muscadins. De véritables batailles rangées ont parfois lieu entre révolutionnaires et royalistes, après lesquelles la police ramasse morts et blessés.
Le développement et la hargne des Muscadins sont tels que bien vite, les sans-culottes se trouvent ramenés dans les limites de leurs faubourgs. Le gouvernement commence à craindre une réaction royaliste. Les 12 et 13 vendémiaire 1795, 25000 royalistes prennent les armes à Paris. Les combats font rage. Les insurgés, repoussés, sont écrasés au canon sur les marches de l’Eglise Saint-Roch par un jeune général, Bonaparte. Le mouvement royaliste est laminé, les chefs se terrent, les Muscadins sont cassés par la police et les sections "loyalistes". Les Muscadins ancêtres des Camelots du Roi ? On ne peut en toute honnêteté franchir le même pas même si la filiation politique est évidente.
Il faut cependant souligner le courage, la volonté, la foi et "l’esprit camelot" avant l’heure dont fit preuve la jeunesse royaliste muscadine. Le rôle politique incontestable qu’elle joua pendant cette période troublée mérite en tous cas [...] d’être rappelé.
Source : le site de l'action française