La Cour suprême du pays a refusé mercredi d'extrader l'ex-activiste vers l'Italie, où il a été condamné à la perpétuité. Il a aussitôt été libéré. Rome entend contester cette décision devant la Cour internationale de Justice de La Haye.
Cesare Battisti a retrouvé la liberté après quatre ans de captivité. La Cour suprême du Brésila refusé mercredi d'extrader l'ex-activiste d'extrême-gauche vers l'Italie, qui l'a condamné par contumace, en 1993, à la perpétuité pour quatre meurtres commis à la fin des années 70. Des crimes dont Battisti s'est toujours dit innocent. Les juges de la Cour ont estimé que l'Italie n'avait pas la légitimité pour contester le choix de l'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva de ne pas extrader Battisti.
Le président de la Cour suprême a aussitôt signé l'ordre de libération de Battisti. L'ancien militant est sorti, jeudi, peu après minuit, de la prison de haute sécurité de Papuna près de Brasilia, où il était détenu depuis son arrestation en 2007. Il n'a fait aucune déclaration. Un de ses défenseurs, Luis Roberto Barroso, a indiqué que Battisti «n'avait aucune intention de quitter le Brésil». Son client de 56 ans se rendra dès jeudi au ministère de la Justice pour solliciter un visa de résident permanent. Lors de sa captivité, Battisti avait confié qu'il aimerait que ses deux filles, Valentina et Charlene, qui vivent en France, le rejoignent et que la famille s'installe à Rio.
La Cour suprême divisée
A la Cour suprême, les débats ont été vifs : après six heures de discussions, six des neuf juges de la juridiction se sont opposés au renvoi de Battisti. Le président de la juridiction, Cezar Peluso, faisait partie de ceux favorables à l'extradition. Il estime que la décision de Lula , prise au dernier jour de son mandat le 31 décembre 2010,«avait été purement arbitraire» et qu'autoriser la présence de l'Italien au Brésil «n'avait aucun fondement».
La décision de la Cour suprême a indigné les autorités italiennes. Cela «ne tient pas compte de l'attente légitime que justice soit faite», a protesté Silvio Berlusconi qui a souligné la «vive amertume» de Rome. «C'est une énième humiliation pour les familles de ses victimes», lui a fait écho sa ministre de la Jeunesse, Giorgia Meloni. «Le gouvernement continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir, y compris au sein de l'UE, pour faire en sorte qu'un vulgaire assassin, qui avait masqué jusqu'à présent ses délits derrière la lutte politique, puisse être finalement emprisonné dans son pays», a-t-elle ajouté. Rome entend, d'après son ministre des Affaires étrangères, contester le jugement devant la Cour internationale de Justice de La Haye. Ce verdict «offense le droit à la justice des victimes et apparaît en contradiction avec les obligations découlant des accords internationaux qui lient les deux pays», a estimé Franco Frattini.
Le cas Cesare Battisti a été une longue source de tensions diplomatiques, d'abord entre Rome et Paris puis entre Rome et Brasilia. Arrêté en Italie en 1979 quand il militait dans le groupuscule des «Prolétaires armés pour le communisme» (PAC), Cesare Battisti est condamné à douze ans de prison. Il s'évade en 1981 et entame une longue cavale au Mexique avant de s'établir en France en 1990. L'Italien bénéficie de la protection du président François Mitterrand, qui s'était engagé à n'extrader aucun militant d'extrême-gauche renonçant à la lutte armée. Gardien d'immeuble pour assurer ses fins de mois, il se lance dans une carrière d'écrivain, publiant une douzaine de titres. Mais en 2004, Jacques Chirac décide de mettre fin à la «jurisprudence Mitterrand» et d'extrader Battisti vers l'Italie. Celui-ci s'enfuit alors vers le Brésil sous une fausse identité, obtenue grâce à l'aide, affirme-t-il, des services secrets français. Bien que surveillé, Battisti, qui dit avoir été prévenu de son interpellation, n'est arrêté qu'en mars 2007 par les autorités brésiliennes.
Source : Le Figaro