François Jules Suisse, dit Jules Simon, est un philosophe et homme d'État né à Lorient le 27 décembre 1844, mort à Paris le 8 juin 1896. Il a été le plus populaire des républicains libéraux des débuts de la Troisième République.
Fils d'un marchand de draps, il fait de bonnes études aux collèges de Lorient et de Vannes, est répétiteur au lycée de Rennes, commença de bonne heure à collaborer à la Revue de Bretagne, entre à l'École normale en 1833, devient professeur de philosophie à Caen (1836) et est appelé en la même qualité à Versailles (1837), Victor Cousin estimant fort ses qualités d'helléniste et les employant à des traductions de Platon qu'il signe imperturbablement. Simon suppléa aussi Cousin dans sa chaire de la Sorbonne où il fait un cours, très suivi, sur les philosophes grecs, notamment Platon et Aristote. Il débute à la Revue des Deux-Mondes, contribue à la fondation de la Liberté de penser (1847).
Les débuts politiques
Il avait déjà songé à la politique et, malgré une campagne électorale des plus actives, il avait échoué aux élections législatives à Lannion (1847) contre la coalition des extrêmes. Il prend sa revanche, et une revanche éclatante, le 23 avril 1848 après la chute de la Monarchie de Juillet. Le département des Côtes-du-Nord l'envoya à la Constituante où il siège parmi les modérés. Il travaille énormément dans les grandes commissions, se prononce vivement contre le communisme et s'occupa surtout de ces questions d'enseignement qui le passionnent. Il démissionne le 16 avril 1849, pour entrer au conseil d'État. Mais, brusquement, il perd toutes ses situations officielles : d'une part, il n’est pas réélu au conseil lors de la réélection du premier tiers de ses membres, d'autre part, il ne retrouve pas de siège à l'Assemblée législative. Il va perdre aussi ses situations dans l'enseignement.
Quelques jours après le coup d'État du 2 Décembre (7 décembre 1851) qui met fin à la Seconde République, il se rend à son cours de la Sorbonne et prononce une allocution suivante, devenue fameuse :
« Messieurs, je vous fais ici un cours de morale. Je vous dois aujourd'hui non une leçon, mais un exemple. La France est convoquée demain dans ses comices pour blâmer ou approuver les événements qui viennent de se passer. N'y eût-il qu'un vote de blâme, je viens vous dire publiquement que ce sera le mien ».
Il est révoqué le lendemain et privé, par suite, de sa conférence de l'École normale.
Jules Simon se retire d'abord à Nantes où il emploie ses loisirs à des recherches historiques. Puis, par opposition à Napoléon III, il publie le Devoir (1854) qui a un retentissement énorme. Bientôt suivent : la Religion naturelle (1856); la Liberté (1857), puis toute, une série de conférences éloquentes et fougueuses sur des questions de socialisme ou de philosophie.
Jules Simon mène aussi le combat sur le terrain politique. Après avoir échoué en 1857 dans le VIIIe arrondissement de la Seine, il est élu membre du Corps législatif le 1er juin 1863. Son éloquence merveilleuse lui donne bientôt une grande autorité dans un milieu pourtant réfractaire à ses idées. Ses discours sur les intérêts de la femme dans les classes laborieuses, sur la liberté des cultes, sur la question romaine le font connaître dans toute la France. En 1863, il entre à l'Académie des sciences morales et politiques et, en 1869, il est réélu dans la Seine et dans la Gironde. Il opte pour ce dernier département et vote contre la guerre.
Au 4 septembre 1870, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale. Il a dans ses attributions l'instruction publique, les cultes et les beaux-arts.
Après le siège de Paris, Léon Gambetta voulait exclure du droit d'éligibilité à l'Assemblée nationale tous les hommes de l'Empire. Jules Simon est chargé d'annuler ses décrets, considérés comme restrictifs du suffrage universel. Une assez vive altercation avec les membres de la délégation aboutit à la démission de Gambetta. Jules Simon est élu député de la Marne à l'Assemblée nationale. Thiers le choisit pour ministre de l'instruction publique (19 février 1871). Jules Simon, qui savait être autoritaire sous des formes douces et aimables, met de l'ordre dans l'Université et oblige à démissionner Francisque Bouiller et Octave Feuillet.
Il dépose le projet d'enseignement primaire obligatoire et brusquement se retire (17 avril 1873) à la suite d'un discours officiel où il attribuait à Thiers tout seul l'œuvre de la libération du territoire, discours qui soulève à l'Assemblée nationale d'assez vives polémiques. Leader de la gauche, il combat alors avec énergie le Septennat, réclamant l'organisation prompte de la République et la dissolution de l'omnipotente Assemblée nationale. Il devient directeur du journal Le Siècle en 1875.
Le 16 décembre 1875, il est élu sénateur inamovible et le même jour membre de l'Académie française.
Le président du conseil
Le 13 décembre 1876, il prend la présidence du conseil et le portefeuille de l'intérieur. Une phrase de son programme ministériel est devenue historique, celle où il se déclare « profondément conservateur et profondément républicain. »
Dans la période difficile que le pays traversait alors, Jules Simon représente une politique de conciliation entre les monarchistes et les républicains, très agitées par la question religieuse. Il procède cependant à une vaste épuration parmi les préfets et les magistrats afin d’installer des républicains.
Il ne peut maintenir longtemps la balance égale entre les partis, et son ministère finit par l'aventure du 16 Mai 1877. Il a du accepter un ordre du jour invitant le gouvernement à réprimer les manifestations ultramontaines. Le 15 mai, en effet, le maréchal de Mac-Mahon lui adresse la lettre fameuse : « L'attitude du chef du cabinet fait demander s'il a conservé sur la Chambre l'influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues », lettre qui amène la démission du ministère.
Le sénateur
Après avoir dirigé le Siècle, il devient directeur du Gaulois (1879-1881).
Jules Simon, au Sénat, continue à s'occuper surtout des questions d'enseignement et combat l'article 7, les décrets sur les congrégations; rapporte en 1883 le projet sur le droit d'association, et se montre partisan de la liberté pour tous; s'oppose à la réforme judiciaire, au divorce; au monopole universitaire, à l'expulsion des princes, etc. Il se montre soucieux de la protection des femmes et des enfants au travail.
Après le boulangisme qu'il combat non seulement au Sénat, mais dans un pamphlet très piquant, Souviens-toi du 2 Décembre, il demeure presque sans influence sur les événements politiques, mais, par contre, tout occupé de travaux littéraires et économiques et d'œuvres de bienfaisance.
Sa dernière occupation officielle, d'un grand éclat d'ailleurs, est sa représentation de la France à la conférence internationale de Berlin (questions ouvrières) de 1890.
Jules Simon, orateur d'une éloquence incomparable, a été en politique comme en philosophie un libéral.
Œuvres
Le Devoir, 1854
La Religion naturelle, 1856
La Liberté de conscience, 1857
La Liberté, 1859
L'Ouvrière, 1861
L'École, 1864
Le Travail, 1866
L'Ouvrier de huit ans, 1867
La Politique radicale, 1868
La Peine de mort, 1869
La Famille, 1869
Le Libre Échange, 1870
Le Gouvernement de Thiers, 1871
La Réforme de l'enseignement secondaire, 1874
Souvenirs du 4 Septembre, 1874
Dieu, Patrie, Liberté, 1883
Une Académie sous le Directoire, 1884
Thiers, Guizot, Rémusat, 1885
Nos Hommes d'État, 1887
Victor Cousin, 1887
Souviens-toi du 2 décembre, 1889
La Femme au XXe siècle, 1891
Source : wikiberal.org