Dossier réalisé par l'Internaute.com
"Les pots de fleurs, aux fenêtres, devront être transformés en pots de vignes ou pots de vin."
Rodolphe Salis
La conquête électorale de Montmartre
L'autonomie de Montmartre a été proclamée en 1884 par Rodolphe Salis, patron du célèbre cabaret Le Chat Noir, qui a fait campagne pour "la séparation de Montmartre et de l'Etat".
En 1920, cette autonomie s'organise avec la constitution d'une "commune libre" et l'organisation d'un scrutin municipal fantaisiste. La conquête de Montmartre donne lieu à de véritables affrontements politiques et verbaux. Les habitants ont le choix entre plusieurs bulletins. Les artistes Picabia, André Breton et Tristan Tzara constituent la liste dadaïste et mènent leur campagne sur le slogan simple et radical : "A dada, à dada, à dada… Hue !". Le poète Henri Chassin, à la tête mouvement des "sauvagistes", propose de transformer la Basilique du Sacré-Cœur en piscine municipale. Des alternatives "fémino-féministes" ou "absentionnistes" sont également proposées. Picasso, Max Jacob et Jean Cocteau présentent leur projet "cubiste" et effraient les Montmartrois en scandant leur hymne : "Les vieilles maisons, erreurs ! Démolissons, démolissons ! Un gratte-ciel, deux gratte-ciel, trois gratte-ciel !".
Jules Depaquit, le maire gagnant
Mais malgré la concurrence, le 11 février 1920, c'est Jules Depaquit et son mouvement des "antigrattecielistes" qui remportent ces élections. L'homme, vêtu d'une éternelle redingote noire, devient donc à 61 ans le premier maire de la Commune libre de Montmartre. Un maire postiche, bien entendu, car cette proclamation d'indépendance reste une provocation d'artiste. Jules Depaquit, dessinateur et amateur de canulars habite la Butte depuis son arrivée à Paris à 24 ans, et ne s'en est jamais éloigné pour visiter un autre quartier de la capitale. Ami de Rodolphe Salis, qui l'hébergeait au Chat Noir, Jules Depaquit incarne tout à fait l'artiste de Montmartre de 1900. Il va régner sur la Butte jusqu'à sa mort en 1924 et y créer de nombreuses institutions comme la course de lenteur automobile ou la fête des vendanges. Il y proclame surtout des lois plus inventives les unes que les autres :
» Construction de toboggans pour descendre la Butte
» Installation de trottoirs roulants pour se rendre d'un bistrot à l'autre
» Interdiction de mourir sur le territoire de la Commune libre, sous peine de mort
» Déclaration de paix en cas de déclaration de guerre
» Anéantissement des gratte-ciel
» Suppression des mois de décembre, janvier, février. Jamais d'hiver