Alors qu'à New York l'ONU impose de nouvelles sanctions contre Laurent Gbagbo et exige son départ, l'offensive lancée lundi par les forces fidèles à Alassane Ouattara prend peu à peu des airs d'une marche victorieuse. Mercredi, les colonnes des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), l'armée du président élu, composée pour l'essentiel des hommes de l'ancienne rébellion, progressaient sur deux fronts.
«Nous tenons entièrement Yamoussoukro», et «nous contrôlons les deux tiers du pays », affirmait-on dans l'entourage du président élu. Si la seconde affirmation semblait encore optimiste, les gains pour les forces républicaines semblaient néanmoins évidents. En quelques heures, deux verrous ouvrant la route vers Abidjan, qui étaient contrôlés par Laurent Gbagbo depuis les premières heures de la rébellion en septembre 2002, ont sauté. Au nord, la brigade Tigre du commandant Chérif Oussman, partie à l'aube de Bouaké, la «capitale» rebelle, a pris Tiébissou sans véritable combat. Et donc en fin de journée, les forces rebelles ont investi Yamoussoukro, la capitale administrative de la Côte d'Ivoire.
Depuis le début de l'après-midi, la ville était la cible de raids venant de plusieurs points. Les habitants se terraient, par crainte des heures à venir, mais les Forces de défense et de sécurité (FDS), loyales à Laurent Gbagbo, ne paraissaient pas vouloir défendre les lieux, plusieurs grands convois de militaires ayant rapidement quitté la ville avec armes et matériel. Ce repli vers le sud, en direction d'Abidjan, ne surprend pas vraiment. «On se doutait que les FDS, dont le nombre est limité, n'auraient pas les moyens de tenir contre des offensives multiples et une insurrection dans Abidjan», commente un expert militaire occidental.
La chute de Yamoussoukro, le village de naissance de Félix Houphouët-Boigny devenu capitale par les vœux du «père de la nation», constitue un succès majeur pour Alassane Ouattara. La ville nouvelle, avec ses larges avenues désertes et sa cathédrale copie conforme de la basilique Saint-Pierre de Rome, n'a certes de capitale que le titre, tant les activités politiques et économiques restent concentrées à Abidjan. Pour autant, Yamoussoukro demeure un symbole qui n'échappe à personne.
À l'Ouest, l'ex-rébellion a enregistré des succès sans avoir vraiment livré bataille. Mardi, les troupes d'Issiaka Ouattara, alias «commandant Watao», étaient entrées dans Daloa et Issia. Mercredi, ils étaient aux portes de Gagnoa, cœur de la «Boucle du cacao» et fief de Laurent Gbagbo. Plus au sud, des combattants, montés sur des pick-up, roulaient vers San Pedro, dont une vingtaine de kilomètres seulement les séparaient. Ce port, d'où est exportée la majorité du cacao ivoirien, ne serait plus défendu. «Il est ouvert car Gbagbo n'a plus d'hommes. Nous avons enregistré de très nombreux ralliements, notamment parmi les gendarmes», affirmait mercredi un haut gradé des FRCI. Abidjan, dans le même temps, restait bizarrement calme, les patrouilles des forces de Gbagbo arpentant la rue comme si les combats alentour, encore lointains, ne les concernaient pas.
L'entourage du président autoproclamé laissait filtrer une certaine déconvenue. Mercredi, la presse «bleue», proche de Gbagbo et aussi prompte à nier l'évidence que sa rivale pro-Ouattara, enregistrait les avancées rapides de «l'ennemi». «Le chef suprême des armées veut éviter une guerre civile. C'est pour cela qu'il n'y a pas de combats», avançait Ahoua Don Mello, le porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo qui, contrairement à la veille, n'évoque plus l'éventualité d'un cessez-le-feu. Mercredi, l'armée pro-Gbagbo a appelé «les volontaires», enrôlés il y a une semaine, à rejoindre des rangs. «Nous glissons vers une confrontation armée» , dit-il. Un ton martial adopté également chez les proches d'Alassane Ouattara. Dans les deux camps on redoute, sans vraiment l'avouer, l'ultime bataille. Celle pour le contrôle d'Abidjan.
Source : Le Figaro.fr