Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Deux-Sèvres a demandé à ses avocats de ne pas appliquer la réforme et "de s'en tenir aux textes anciens". Deux d'entre eux réprouvent cette position.
Désormais, l'avocat peut maintenant être présent à tous les interrogatoires. (c) Afp
Le basculement vers le nouveau régime de la garde a vue, avec présence accrue de l'avocat, a connu samedi 16 avril son premier couac, les avocats des Deux-Sèvres refusant de l'appliquer, tandis que la transition vers cette garde à vue "new look" s'est faite sans gros incident ailleurs en France.
"Il est hors de question d'accepter de faire dans l'urgence n'importe quoi dans la plus totale précipitation", a dénoncé le bâtonnier.
Des avocats du barreau des Deux-Sèvres ont affirmé dimanche à l'AFP ne pas être d'accord avec leur bâtonnier.
"Je suis dans une colère sans nom, on n'a pas eu d'assemblée générale pour voter le fait qu'on aille ou pas assister à ces gardes à vue, le bâtonnier aurait pu prendre l'initiative d'une assemblée générale au cours de laquelle on aurait voté, mais dire, comme cela, qu'on y n'assistera pas est une aberration", a expliqué à l'AFP, Me Pascal Munoz, un des anciens bâtonniers des Deux-Sèvres.
Un point de vue partagé par Jean-Marc Izard, avocat à Niort qui qualifie d'"inadaptée" la position "brutale et unique" du bâtonnier Laurent Di Raimondo.
Pour lui, "les avocats doivent être disponibles dès maintenant" et c'est pour cette raison qu'avec son confrère Me Munoz il a téléphoné au commissariat pour le faire savoir.
"Je n'ai pas fait part du point de vue du barreau des Deux-Sèvres, c'est mon point de vue personnel", se défend Me Di Raimondo, qui estime que la réforme en elle-même "est une avancée démocratique indiscutable, et attendue par les avocats". "Ce que j'ai mis en avant et que je critique c'est l'immédiateté de son entrée en vigueur contre la volonté du législateur", a-t-il affirmé.
Les deux avocats des Deux-Sèvres sont d'ailleurs d'accord sur ce point avec le bâtonnier. "Tout demeure à mettre en place, les locaux, l'organisation des garde à vue, la rémunération des avocats", a indiqué Me Izard par ailleurs fondateur dans le département du groupe de défense pénale.
Il estime qu'"une réflexion nationale doit avoir lieu à ce sujet" et "espère que nos instances nationales auront une réaction qui permettra d'améliorer les gardes à vue en général".
Une assemblée générale des avocats du barreau des Deux-Sèvres doit se tenir lundi à 12h à Niort au cours de laquelle ses 75 membres seront appelés à ce prononcer sur le sujet.
Depuis que la Cour de cassation a décidé vendredi après-midi l'application "immédiate" en France du nouveau régime de la garde à vue, policiers, gendarmes, avocats et magistrats se sont mobilisés dans l'urgence.
Consignes ont aussitôt été données par la Chancellerie et le ministère de l'Intérieur d'exécuter la décision.
A Paris, Me Grégoire Etrillard, jeune avocat du barreau, a été l'un des premiers à étrenner ce qu'il appelle une "révolution historique" de la procédure pénale, en assistant pendant 24 heures aux auditions de son client en garde à vue.
Une situation impensable avant la réforme: l'avocat ne pouvait rencontrer son client qu'une demi-heure au début de la garde à vue. Il peut maintenant être présent à tous les interrogatoires.
Mais dans l'Essonne, Me Xavier Watrin a eu "l'impression d'être une potiche, de faire beau dans le décor" pendant l'interrogatoire de son client par l'officier de police judiciaire (OPJ).
De fait, "l'avocat (ne) peut (pas) poser des questions au policier pendant l'interrogatoire", a expliqué à l'AFP Arnaud Verhille, commissaire à la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qui a piloté la "hotline" "Garde à vue assistance" ouverte par la préfecture de police pour répondre aux questions des OPJ.
M. Verhille a aussi fait état d'un "incident dans le XVIIIe arrondissement avec un avocat qui a voulu poser des questions à l'OPJ et s'est violemment emporté".
Outre le cas des Deux-Sèvres, la garde à vue "nouvelle formule" s'est déroulée à peu près sans encombre dans le pays.
"Le basculement juridique s'est fait de manière organisée et uniforme" à Paris et dans la petite couronne, s'est félicité le commissaire Verhille.
Cela s'est déroulé de manière d'autant plus "apaisée" que les demandes d'assistance longue durée par un avocat ont été assez limitées: une quinzaine depuis vendredi à Paris, a dit le bâtonnier Jean Castelain. Sept ou huit à Lyon samedi, selon un policier.
"Il n'y a eu aucun grippage dans la machine", s'est-on félicité au commissariat central de Marseille.
Mais à Lens, "on se débrouille, on fait du bricolage", a déploré un policier. De même à Bordeaux, où les policiers "sont assez stressés car la réforme est lourde et nous n'avons ni les moyens ni le temps de l'appliquer, cela va être tendu", a prévenu Aymed Korbosli, du syndicat SGP-FO.
"Maintenant on entre dans le fond du problème logistique et matériel", a résumé le commissaire Verhille, en écho aux récriminations des policiers, notamment l'inadaptation de leurs locaux pour les auditions.
Des avocats s'inquiètent aussi de leurs rémunérations pour ces interventions à rallonge. Ceux de Seine-Saint-Denis sont en grève depuis lundi à ce sujet et manquaient à l'appel pour répondre aux besoins des policiers depuis vendredi, a déploré M. Verhille.
Il y a eu en France 800.000 mesures de gardes à vue en 2009 et l'objectif est de revenir à 500.000 par an.
Source : Nouvelobs.com avec AFP